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On voit à S*** et dans les communes voisines des fils et des petits-fils de riches cultivateurs descendus, par suite de ces partages successifs, à la condition de journaliers ou de domestiques ; quelques-uns même mendient.

La condition économique dans laquelle vivent les paysans du Laonnais n’a pas seulement pour effet de compromettre leur bien-être physique ; elle réagit encore sur leurs habitudes morales, qui sont étouffées par les préoccupations matérielles. On peut remarquer que la famille ne fait presque aucune dépense pour le culte et ne distribue aucune aumône. L’esprit d’individualisme et l’amour du gain, poussés jusqu’aux limites les plus extrêmes, paraissent avoir détruit les sentiments les plus naturels de l’humanité.

Le régime des partages forcés porte dans le Laonnais les plus graves atteintes aux relations de famille. Il nuit d’abord à l’autorité paternelle, au respect et aux égards des enfants pour les parents. Armés des droits que la loi leur confère, quand un de leurs parents vient à mourir, les enfants dépouillent le survivant, lui enlèvent son mobilier et le font vendre aux enchères publiques. On chasse la vieille mère du toit où elle a vécu, et elle se voit obligée d’aller, de trimestre en trimestre, essuyer les mauvais traitements d’un gendre ou d’une bru et les railleries de ses petits-enfants ; reléguée dans quelque réduit,