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ferme quelque peu importante, se trouve dans de meilleures conditions que ces paysans. Son travail n’excède jamais ses forces ; ses loisirs lui appartiennent et il peut les consacrer à sa famille ; quand il revient des champs, il trouve à la table commune une nourriture suffisante ; quelle que soit l’intempérie des saisons, il ne craint pas de perdre le fruit de son travail : il sait que ses gages lui seront fidèlement payes, et de plus, s’il est actif et probe, sa femme et ses enfants recevront de ses maîtres des subventions de différentes natures qui viendront diminuer d’autant les dépenses du ménage.

Placé au contraire dans les conditions d’existence les plus difficiles, obligé de vivre avec sa famille, sans secours étranger, sur un bien insuffisant à le nourrir, le paysan qui n’est pas doué d’une énergie et d’une sobriété exceptionnelles ne peut se maintenir au rang qu’il occupe. Après d’inutiles efforts, il est obligé de vendre tout ou partie des lambeaux de terre disséminés qui lui sont revenus après le partage du patrimoine, et il tombe dans la catégorie des journaliers agriculteurs, des ouvriers domestiques ou des propriétaires indigents. Ce fait se produit surtout quand un père a plus de deux enfants, ces enfants ne pouvant vivre, chacun avec sa famille, sur une minime portion de la terre qui suffisait à peine à la subsistance de ses parents.