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peut dire de lui qu’il est « le dernier des Mélouga » et qu’en lui finit cette dynastie quatre fois séculaire de paysans à vingt quartiers de noblesse.

Quant à la vieille Savina, gardienne des traditions ainsi interrompues, elle n’a pu se résigner à sanctionner de sa présence cette déchéance de sa race et cet oubli du passé. Elle a pris le parti de se séparer de sa fille Marthe, et de quitter ce foyer qui n’était plus celui des ancêtres. Pendant la saison des eaux, elle garde les enfants d’une de ses filles, baigneuse aux thermes de Cauterets ; le reste de l’année, elle est recueillie chez une personne charitable, et vit pauvrement d’une rente viagère de 300 fr. que lui font à regret ses enfants.

Ces derniers traits achèvent de caractériser l’atteinte portée à l’organisation et à l’esprit de la famille-souche. Depuis l’origine de la famille, pareil fait ne s’était pas produit. S’ils pouvaient en être les témoins, qu’en diraient ces ancêtres, ces patriarches, que la maison a vus naître et mourir de père en fils, et qui restaient, jusqu’à leur dernier jour, entourés de respects et en pleine possession de l’autorité paternelle ? Pour la première fois, les enfants se révoltent contre la majesté du chef de famille, qui a dû leur céder la place et s’exiler du toit natal. Dès lors, c’en est fait de la famille-souche. La voilà tombée au