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quer, dans les brumes de la mort qui s’avance, ses ascendants morts sous le même toit, et la postérité de rejetons vigoureux qu’il laisse après lui, et qui continueront à répandre leur ombrage et à porter des fruits, après que le tronc sera desséché.

Entre le maître et les domestiques, les devoirs étaient réciproques. Le maître les aidait, les gardait malgré leurs défauts, et ne les renvoyait jamais, même lorsque des infirmités les empêchaient de travailler. Les domestiques, de leur côté, se considéraient comme membres de la famille, et se croyaient « liés par un lien indissoluble de fidélité » : Considerando se legados con in vinculo indissoluble de fidelidad[1]. « Aujourd’hui en France, ajoute M. de Lagrèze (p. 372), le serviteur se croit autant que son maître ; mais lorsque l’heure de la vieillesse et des souffrances a sonné, il a dans sa vie servi tant de maîtres, que nul ne se souvient de lui au moment où il aurait besoin de secours. »

L’esprit de famille était puissant ; il servait à la fois de frein moral contre les entraînements du mal, et d’aiguillon pour le bien. Une véritable solidarité d’honneur et de déshonneur existait entre

  1. M. Nouguès y Secall, cité par M. de Lagrèze (p. 372). Ce savant jurisconsulte espagnol a signalé l’extrême analogie entre les vieux usages des deux versants des Pyrénées, de Bigorre et d’Aragon. (p.216).