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La Coutume impose le droit d’aînesse, sans distinction de sexe. L’héritier est le premier-né, soit mâle, soit femelle, indifféremment. Le commentateur de la Coutume, Noguès[1], dont les deux ouvrages de 1760 et de 1789, aujourd’hui fort rares, nous ont fourni de précieux renseignements pour cette étude, est assez embarrassé par cette disposition. Quoique légiste et prosterné devant le droit romain, il était en même temps montagnard et comme imprégné de la Coutume, et ce tiraillement entre deux tendances contraires se traduit à chaque instant dans ses écrits en contradictions fréquentes.

Après avoir cité les textes latins et les motifs qui refusent en général l’héritage aux filles[2],

  1. Noguès, né à Barèges, y rentra après avoir fait son droit à Toulouse, et avoir été reçu avocat au parlement. En 1760, il publia un commentaire sur les coutumes de Barèges et du Lavedan. Nous le trouvons en 1769 conseiller et procureur du roi au siège royal et consulaire de la vallée de Barèges. C’est avec ce même titre qu’il signe son nouveau commentaire de 1789, après la révision de la Coutume. La préface, qui pourrait se passer de date, respire une confiance enthousiaste dans la Révolution, dont il saluait l’aurore.
  2. Les privilèges et franchises octroyés en 1260 à la ville de Villefranche (Rhône) par Guichard, sire de Beaujeu, traitent beaucoup moins bien la femme que les fors pyrénéens. « 61. — Si un bourgeois a doté sa fille, elle devra se contenter de sa dot et ne plus rien demander de plus dans l’hérédité paternelle. Elle héritera néanmoins, si son père est mort intestat et sans héritier direct ». Citons encore cette clause inhumaine, par laquelle est soustrait à toute poursuite le mari qui bat sa femme, à moins que mort ne s’ensuive : « 63. — Si quis burgensis uxorem suam percusserit, seu verberaverit, dominus inde non debet recipere