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la combinaison de l’état des terres avec celui des personnes. « Des privilèges étaient attachés à la terre, qui les communiquait à son détenteur, tandis que le propriétaire qui était noble ne pouvait anoblir la terre qui ne l’était pas[1]. » La conservation du bien dans la famille était la suprême préoccupation de la coutume et des mœurs. Toute autre considération était subordonnée à ce grand intérêt.

L’Angleterre nous fournit un remarquable exemple de ce régime et de ses conséquences[2].

  1. Histoire du droit dans les Pyrénées, par de Lagrèze (p. 172).
  2. La propriété féodale n’était en réalité qu’un usufruit ; elle ne conférait qu’un droit d’usage… Le fief taillé (feudum talliatum) créa une propriété qui appartint à la race. La loi, qui l’entoura de sauvegardes et de chaînes, la protégea contre le caprice et la fantaisie individuelle. La volonté de chaque génération se trouva comme emprisonnée entre les volontés des générations antérieures et les droits des générations à venir. De semblables domaines furent placés sous la garde et la tutelle des morts. L’act fameux qui porte le nom De donis conditionalibus, rendu sous le règne d’Édouard Ier…, consolida la tenure des grandes familles en donnant une autorité prédominante aux intentions des donateurs qui constituaient un domaine. Cette volonté dut être obéie : secundum formam in carta doni expressam… Cette loi assit la famille, la lia à la terre, ancra l’aristocratie au sol. » (L’Angleterre politique et sociale, par A. Laugel, p. 106.)
    L’Angleterre montre encore aujourd’hui l’empreinte profonde et vivante du régime féodal dans sa constitution sociale, politique et territoriale, dans son tempérament, dans la substitution permise à deux degrés, dans les mœurs, qui, plus encore que la loi, assurent la transmission intégrale de la propriété et sa conservation, dans la distinction du sol en terres tenues librement ou freehold, et terres de villenage (copyhold), qui sont grevées de redevances perpétuelles au profit de certains domaines, dits