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ment profond, inspiré par l’issue du procès qui allait, disait-on, tout engloutir, que le fils unique de Savina, le jeune Joseph, âgé de 22 ans, se rendit à Argelès sans consulter personne, au commencement de 1869, alors que la cour de cassation avait déjà rendu un arrêt favorable, mais sans que la famille en fût encore informée. Là, il s’engagea comme soldat pour une prime de 2,000 francs, dont il remit une partie à sa mère.

Cette résolution a été douloureuse pour Savina : elle lui enlevait son fils et privait le domaine d’un travailleur vigoureux et dévoué. Comment le remplacer pour la culture et la garde des troupeaux, dans l’état de gêne où le procès avait mis la famille ?

Au point de vue de la dignité des Mélouga, cet engagement contracté à prix d’argent leur a même porté un coup sensible. « Il a vendu son corps, » me disait sa mère avec des larmes. L’histoire de la famille n’en offre sans doute pas d’autre exemple.

Les autres filles, qui ont essaimé sous l’empire de ces circonstances, en ont ressenti la triste influence et se sont mariées, sauf une, à des journaliers domestiques, dérogeant ainsi à l’ancien rang de la famille (§ 21). Aujourd’hui ces ménages sont dans la gêne, pour ne pas dire dans la misère.