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J.-J. Rousseau a coordonnées systématiquement, dans le Contrat social. Égarés par ce sophiste, ils repoussent, sur les points fondamentaux de la vie sociale, les plus constantes traditions du genre humain et la pratique des peuples les plus prospères. Ils voient l’idéal de la famille dans l’indépendance individuelle de certaines races instables et sauvages[1]. Érigeant en dogme la perfection originelle de l’humanité[2] et guidés par une logique

  1. « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers… La plus ancienne de toutes les sociétés est la famille : encore les enfants ne restent-ils liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l’obéissance qu’ils devaient au père ; le père, exempt de soins qu’il devait aux enfants, rentrent tous également dans l’indépendance. » (J.-J. Rousseau, du Contrat social, introduction des chapitres i et ii.) Les Français ne se réformeront point tant qu’ils s’inspireront de tels écrits. Jamais, en effet, on n’a faussé davantage, en quatre phrases, la vraie notion d’une société libre et prospère. Jamais on n’a plus naïvement ravalé l’homme au niveau de la brute. L’enfant, loin d’être libre en naissant, est, au contraire, dépendant de tout ce qui l’entoure. Il ne s’élève au degré de liberté et de bien-être que sa race a conquis par une longue suite d’efforts, qu’en se soumettant avec docilité à la loi morale et aux traditions que ses parents et ses maîtres lui enseignent. Devenu homme, il conserve cette liberté et il ne la transmet à ses descendants qu’en restant uni à une nombreuse famille par les liens du respect et de l’amour. Enfin, c’est en s’appuyant sur cette famille, la plus douce et la plus naturelle des communautés, qu’il échappe à la tyrannie des gouvernants de la commune, de la province et de l’État.
  2. « Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans tous mes écrits, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l’ordre ; qu’il n’y a point de perversité originelle dans le cœur humain, et que les