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Le Moniteur du 21 décembre promulgue la loi sur les boissons votée par l’Assemblée nationale dont la teneur suit :

« Art. 1er. L’article 3 de la loi du 19 mai 1849, portant que, à partir du 1er janvier 1850, l’impôt sur les boissons sera aboli, est abrogé.

Art. 2. L’impôt sur les boissons, telle qu’il est établi par la législation actuellement en vigueur, est maintenu pour l’année 1850.

Art. 3. Une commission de quinze membres, nommée dans les bureaux, procédera immédiatement à une enquête sur l’état de la production et de la consommation des vins et des esprits, sur l’influence qu’exerce en cette matière l’impôt des boissons et sur les modifications que cet impôt peut recevoir.

Le rapport et les résultats de l’enquête, ainsi que les modifications dont la législation actuelle serait jugée susceptible, seront soumis à l’Assemblée législative avant le 1er juillet 1850.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 20 décembre 1849. »


On nous écrit de Cheniménil :

On se demande, dans notre petite commune, ce qu’est venu faire ici M. le préfet Dépercy. Était-ce pour installer le nouvel instituteur qui, le pauvre homme, s’est vu contraint de subir un long sermon dans lequel le premier attaqua avec beaucoup de véhémence les républicains qui se mêlaient de politique, et ajoutant qu’un maître d’école étant fonctionnaire de l’État, devait, en cette qualité, n’avoir aucune opinion ? Les assistants se bornèrent à sourire et à faire de la sorte justice des grotesques remontrances de M. Dépercy.

M. le préfet voulut aussi haranguer le conseil municipal ; il est si bel et si bon orateur quand il peut parvenir à se modérer, à se contenir ! Il apostropha les membres de l’opposition, disant que lui aussi avait été républicain, mais que depuis longtemps déjà il avait rompu avec le parti démocratique, qu’il avait renoncé aux utopies (lesquelles, par parenthèse, l’ont mis en possession d’une préfecture à laquelle il ne s’attendait plus depuis 1834, puisqu’après avoir obtenu sa grâce de Louis-Philippe, il s’était voué à Guizot), et qu’il enfoncerait tous ceux qui ne voudraient pas se ranger soit à ses instructions, soit à ses conseils. Tout cela était entremêlé de gestes furibonds, de grands éclats de voix et de mouvements de colère.

Le conseil municipal, mieux avisé que lui, le laissa dire ; il se demanda à quoi pouvaient aboutir ces provocations et sur quels fonds étaient prélevés les frais de voyage d’un tel agent pour une semblable besogne.


M. Boulay (de la Meurthe), vice-président de la République, vient d’être nommé au grade de commandeur de la Légion-d’Honneur.


Le conseil municipal de Bruyères, entâché de républicanisme sans doute, a été dissous par le Préfet Dépercy.


CONCERT. — L’espace nous manque pour rendre compte du concert donné mardi dernier par Mme Querm et M. Noirot. — Les applaudissements nombreux prodigués à ces deux artistes d’élite, valent mieux que tout ce que nous pouvons dire. Les personnes qui ont assisté à cette fête, en garderons le souvenir.

Le public d’Épinal, essentiellement connaisseur, essentiellement musical, en matière de musique classique surtout, a aussi fort applaudi deux trios de Beethoven.

SÉPARATEUR

Chronique parlementaire.

Scandale ! scandale !

On ne s’occupe dans les réunions politiques, dans la rue, dans toutes les conversations que des étranges révélations du rapport de M. de Luynes relatif à l’achèvement du tombeau de l’Empereur. Quoi ! une somme de plus de treize cent mille francs a été dépensée sans qu’on puisse retrouver la moindre trace justificative de son emploi ! Quoi ! l’ancien ministre à qui incombe une si grande responsabilité est trop loin de Paris pour venir devant une commission de l’assemblée législative expliquer sa conduite, accepter pour lui-même toutes les conséquences de son incurie, ou faire retomber sur qui de droit ce scandaleux détournement des denier publics ! Et le ministère actuel prête les mains à une semblable manœuvre ; on opposition avec la commission, il cherche à étouffer la lumière ! Pour éviter que l’assemblée se prononce en parfaite connaissance de cause, M. Ferdinand Barrot s’humilie, il se rétracte, il nie avoir eu connaissance de ce rapport qui a eu un si grand retentissement, il s’abaisse devant M. de Luynes, il courbe la tête sous les assertions accablantes des généraux Lebreton et Fabvier, sous la parole pleine de franchise du secrétaire de la commission ; il se sent pressé, frappé par tous les hommes qui n’ont pas encore sacrifié au pouvoir, qu’ils soutiennent les principes de la plus vulgaire probité. M. Ferd. Barrot éperdu, réclame l’ajournement, promet un projet nouveau ; et pour la discussion tous les éclaircissements désirables. Les deux seuls soutiens qu’il ait rencontrés au commencement du débat, MM. Piscatory et Lefèbvre, Duruflé, l’abandonnent au milieu du péril. L’impression du rapport, supprimé avec tant de cynisme, est votée à l’unanimité. On vote de même l’impression des avis contraires, d’une sous-commission extra-parlementaire de la cour des comptes et de la minorité de la commission. Est-ce assez d’humiliation pour le ministre ? La sévérité du blâme n’est-elle pas assez éclatante ? Non ! le ministre restera sous le coup de cette flétrissure, il est dans la destinée des courtisans d’avilir le pouvoir, il n’est au pouvoir de personne de lui rendre son ancien prestige, encore moins un peu de force sous l’apparence d’un peu de dignité.

SÉPARATEUR

Assemblée législative.

Séance du 26 décembre 1849.

Présidence du citoyen Dupin.

La séance est ouverte à une heure et quart, le procès-verbal est lu et adopté.

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la création d’un 4e bataillon dans le premier régiment de la légion étrangère, pour appeler à ces faux partis les gardes mobiles de Paris, dont le corps est licencié.

M. Le général Bedeau, rapporteur, demande la remise de la discussion à demain, attendu que M. le ministre de la guerre a fait prévenir la commission qu’il était dans l’intention de faire quelques modifications à ce projet. — L’assemblée décide, à une faible majorité, après avoir entendu les observations de MM. Larabit et Clary, qu’elle reprendrait cette interminable discussion vendredi prochain.

L’ordre du jour appelle la troisième délibération sur le projet de loi relatif à un appel de 80 000 hommes sur la classe de 1849.

M. Berger propose un amendement qui abroge l’art. 6 de la loi du 21 mars 1832, qui est adopté, ainsi que le projet dans son entier, au scrutin de division.

Un projet de loi portant ouverture d’un crédit de 173 000 fr. pour acquitter le traitement des membres du clergé paroissial pendant le 4e trimestre de l’année 1849, est également adopté au scrutin public.

L’ordre du jour appelle la troisième délibération sur la proposition du M. Fouquier d’Hérouel, tendant à augmenter le nombre des circonscriptions électorales.

M. Soubies : Citoyens représentants, j’ai à soumettre une proposition à l’assemblée. Une grande partie de l’assemblée a été élevée sous le drapeau de la République honnête et modérée. Cette partie forme la majorité de la représentation. Eh bien, sous l’empire de quelle loi cette majorité a-t-elle été élue ? Sous l’empire de la loi de 1848. Pourquoi vouloir changer cette loi ? Prenez garde, messieurs, en agissant ainsi, vous semblez dire au pays qu’il ait à se méfier de la loi en vertu de laquelle vous avez été nommés. Il se méfiera de vous et en définitive vous n’aurez agi que contre vous. Mais un autre reproche, reproche plus grave à faire à la loi, c’est de manquer de franchise ; en effet, qu’y a-t-il au fond ? Le vote à la commune proscrit formellement par la Constitution, vous allez ouvertement, témérairement contre, vous cherchez à la fausser et à l’éluder. Messieurs, en 1830, une Charte fut proclamée ; elle devait être une vérité, elle s’est égarée dans le mensonge. Prenez garde, messieurs, de faire pour la Constitution ce que Louis-Philippe a fait pour la Charte.

C’est parce que je crois que vous suivez une mauvaise marche, c’est parce que je crois que vous vous écartez de la vérité, c’est parce que je crois qu’en cherchant à fausser l’esprit de la Constitution, vous ne pouvez aboutir qu’à une catastrophe que je voterai contre la proposition.

M. Fouquier d’Hérouel appuie le projet de loi.

M. Miot : Citoyens royalistes et citoyens démocrates. (Hilarité prolongée et interruption à droite.)

M. le Président : Je ne puis vous permettre de séparer l’assemblée en deux classes, et de dire : royalistes et démocrates.

M. Miot : J’ai cru nécessaire de distinguer cette assemblée en deux classes : ceux qui ont acclamé la République et ceux qui ont déclaré publiquement qu’ils ne l’avaient pas acclamé.

M. le Président : Vous ne pouvez séparer vos collègues en deux parties.

M. Miot adresse quelques mots au président.

Toute la droite : À l’ordre ! à l’ordre ! (Agitation.)

M. le Président : Je vous rappelle à l’ordre.

M. Miot : Je proteste que des représentants ont déclaré qu’ils n’avaient pas acclamé la République.

À droite : À la question ! à la question ! (Tumulte.)

M. Miot : Il y a eu dans cette assemblée plusieurs protestations. (À la question ! à la question !)

M. le Président adresse quelques mots à l’orateur.

M. Miot : J’ai le droit de dire la vérité.

M. le Président : Parlez en républicain, mais n’attaquez pas vos collègues.

M. Miot : Pourquoi veut-on rétablir le vote à la commune, pour retenir les électeurs sous la dépendance qui les subjuguait avant la révolution de Février, l’influence cléricale, nobiliaire et bourgeoise. (Rires et interruption à droite.)

J’ai dit, dans la première discussion, que le peuple de nos campagnes saurait bien abréger les distances, en allant voter au canton, en chantant la Marseilleise. (Hilarité à droite.) Croyez-vous donc que le peuple n’ait pas de poésie dans l’âme ; il en a plus que vous, matérialistes. (Bruits et rires à droite. — Interruption.)

Vous dites que le vote à la commune est dans l’intérêt du peuple ; diminuez donc les impôts, vous qui prenez les enfants du peuple pour en faire vos valets et les exposer, pendant les nuits d’hiver, aux intempéries du ciel. (Vives réclamations à droite. — Le président parle à l’orateur sans que nous puissions l’entendre au milieu du bruit.)

Vous voulez diviser les votes, vous voulez que le peuple accepte votre domination et qu’il lèche la main qui l’enchaîne. (Nouvelles exclamations à droite.)

M. le Président : Je vous rappelle une deuxième fois à l’ordre. (Tumulte.)

M. Miot : Vous voulez des ilotes, les hommes libres vous font peur ! Vous n’avez que de la haine pour les déshérités !

À droite avec force : À l’ordre ! à l’ordre ! (Tumulte.)

M. le Président : Je vous rappelle à l’ordre. (Agitation.)

M. Miot : Vous voulez faire regretter la République aux ouvriers en leur retirant le travail. (À l’ordre ! à l’ordre !)

{{sc|M. le Président à l’orateur : Vous avez été rappelé à l’ordre trois fois ; vous avez bravé le président, outragé l’assemblée ; aux termes du règlement, je consulte l’assemblée, et je demande que la censure vous soit appliquée. (Vive agitation.)

À gauche : Nous n’avons rien entendu ; d’ailleurs, M. Estancelin a assez outragé la République.

L’assemblée décide que l’orateur mérite la censure.

M. le Président : Ce n’est pas tout, j’irai jusqu’au bout.

M. Miot : Jusqu’aux arrêts, sans doute.

M. le Président : Aux termes du règlement, je consulte l’assemblée pour que la parole soit retirée à l’orateur. (Tumulte. — Réclamations à gauche.)

L’assemblée décide que l’orateur n’a plus la parole.

M. Miot : Et si je continuais ?…

M. le Président : Je vous dirais de quitter la tribune…

M. Miot : Et si je restais ?

M. le Président : Vous n’en avez pas le droit.

M. Miot, se croisant les bras : Et que feriez-vous ? (Sensation.)

À droite : Couvrez-vous, M. le président.

M. le président se couvre. La séance est suspendue.

M. Miot quitte la tribune. La séance est suspendue quelques instants.

À la reprise, M. Valette a la parole sur le projet de loi.

M. Valette est à la tribune pour prêcher principes, mais c’est comme s’il parlait à des sourds, et qu’on tienne pour certain que la loi sur les circonscriptions électorales sera votée, de par la majorité.

SÉPARATEUR

Intérieur.

Nous apprenons à l’instant le résultat des nominations faites dans les bureaux, pour l’enquête de l’impôt des boissons.

Les 1er, 3e, 4e, 5e, 6e et 8e bureaux n’ont pu s’entendre sur le choix des commissaires à nommer. La nomination n’aura lieu que demain. Ont été nommés dans le 2e bureau M. Godelle contre M. Mathieu de la Redorte ; 7e bureau, M. Germonière ; 9e, M. Étienne contre M. Combarel ; 10e M. Passy ; 11e M. Léon Faucher contre M. Mauguin ; 12e M. Thiers ; 13e M. de Larcy ; 14e M. de Charancey ; 15e M. Lanjuinais.

En somme, la majorité des commissaires nommés est jusqu’à présent favorable au maintient de l’impôt et de la perception actuelle.

— Le Moniteur, et un grand nombre de journaux de Paris, n’ont pas paru aujourd’hui, à cause de la fête de Noël.

NOUVELLES D’ALGÉRIE.

Les nouvelles que nous recevons d’Afrique, confir-