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Sur mon livre. Sonnet.


Courtisans de Priape et du père Bacchus,
Vigoureux officiers des nocturnes patrouilles,
Vénérables fouteurs d’inépuisables couilles,
Experts depuceleurs, artisans de cocus.

Et vous, garces à chiens, croupions invaincus,
Qui de nos braquemards vous faites des quenouilles,
Dames du Putanisme, agreables gargouilles,
Vous, lâches empaleurs et chaussonneurs[1] de cus.

Venez tous au bordel de ces Muses lubriques :
L’esprit qui prend plaisir aux discours satyriques
Deschargera sans doute, entendant ces accords.

Ce livre fleurira sans redouter les flammes ;
On souffre icy des lieux pour le plaisir des corps,
On en souffrira bien pour le plaisir des âmes.




Aux Précieuses. Sonnet.


Courtisanes d’honneur, putains spirituelles,
De qui tous les péchés sont des péchés d’esprit,
Qui n’avez du plaisir qu’en couchant par escrit,
Et qui n’aimez les lits qu’à cause des ruelles.

Vous chez qui la nature a des fleurs éternelles,
Précieuses du temps, mes chères sœurs en Christ,
Puisque l’occasion si justement vous rit,
Venez dans ce bordel vous divertir, mes belles.

Si l’esprit a son vit aussi bien que le corps,
Vostre âme y sentira des traits et des transports,
À faire descharger la femme la plus froide.

Et si le corps enfin est par l’amour fléchi,
Ce livre en long roulé, bien égal et bien roide,
Vaudra bien un godemichi.


  1. Allusion aux imitateurs du sodomiste Chausson brûlé le 29 décembre 1661. Cette allusion prouve que toute cette partie du Bordel des Muses a été composée dans le premier semestre de 1662.