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À M. Christien Wolfang, gentilhomme allemand et maistre d’hostel de son altesse Monseigneur le Prince de Sulzbach de présent à Namur en France.


Monsieur et cher amy,

Je ne pouvois jamais trouver commodité meilleure que celle de monsieur l’ambassadeur de Suède qui passe par ces quartiers pour aller aux vostres pour vous envoyer le livre que je vous ay promis en manuscrit dès le premier voyage que vous fistes en France avec le fils de monsieur le general Koenismarck et que j’ay fait imprimer depuis peu en quatre parties à mes despens : pour satisfaire à la parole que j’en donnay au malheureux Théophile jeune, qui m’en conjura instamment quelques heures avant que de rendre son âme à celuy qui la luy avoit prestée ; j’en ay fait charger une centaine d’exemplaires sur le chariot de son Excellence mondit Seigneur l’Ambassadeur qui passeront à la barbe de l’inquisition françoise, et qui vous mettront à couvert de toutes suites de poursuites outre que d’ailleurs n’estant point sujet du Prince vous n’estes point sujet aux lois d’un pays où vous ne faites que passer incognito. Je ne pouvois pas me servir d’une occasion plus favorable pour vous tesmoigner la passion que j’ay de vous servir. Je croy que vous ne me saurez point toutefois mauvais gré de ma circonspection, que vous recevrez bien le présent que je vous fais de celuy d’autruy et que vous verrez avec complaisance ce que je vous donne avec plaisir. Quoy qu’il y ait dans la seconde partie des œuvres de nostre illustre amy une satyre contre vostre nation, vous serez assez curieux pour la voir comme quelque chose de nouveau et assez raisonnable pour l’estimer comme quelque chose de bon. Il faut adorer l’esprit et la vertu en quelque endroit qu’on les trouve (fusse (sic) d’un bordel) et une bonne satyre fait souvent autant d’honneur qu’un meschant panegyrique cause d’infamie. Vous en avez connu l’auteur aussi bien que moy, et j’auray tout le reste de ma vie le regret de sa mort aussi bien que vous. Vous savez qu’il escrivoit plus par boutade que par malice et qu’il faisoit moins des vers profanes et satyriques par impiété et profanation que par caprice et fantaisie. Il vaut mieux bien faire du mal que de mal faire du bien, et il est excusable en cela, parce