Page:Le Petit - Les Œuvres libertines, éd. Lachèvre, 1918.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans ce Siècle où Justice sèche
Voit le pauvre droit tout tortu,
Il faut faire de tout bois flèche,
Et de necessité vertu !
Ma foy, ce n’est pas mal pensé,
Et je suis plus heureux que sage,
Tout sert en escriture aussi bien qu’en ménage,
Et quand j’auray finy comme j’ay commencé,
Et dit trois mots de mon Ouvrage,
Je crois que le Labeur sera bien avancé,
Et le lecteur, bien content, ou peu sage.


Je vous diray donc que mon Demy-Roman est le travail de deux jours et demi (et j’en prens à temoin mon Frère[1], mon Libraire, et nostre Servante, qui sont tous gens irréprochables), que j’en ay pris le Nom dans mon caprice, et l’invention dans mon esprit[2], et, pour me justifier de quelque infidelité qu’on me pourroit reprocher, que je ne l’ay fait que pour servir de Plan à un de mes Amis qui a dessein de s’y divertir plus à loisir. Voilà qui va bien, j’en suis quitte à meilleur marché que je ne croyais, Dieu soit loüé dans tous les Siècles des Siècles. Il n’y a personne qui ne prenne cecy pour une Preface, ou je n’y entends rien, quand j’auray dit (Adieu Lecteur)[3].





AU LECTEUR.

MADRIGAL,

SUR L’HEURE DU BERGER DE MONSIEUR LE PETIT.

Lecteur amy, Lecteur amant,
Qui cherches nuit et jour avec empressement
Cette Heure souhaitée
Et la rencontres rarement ;
Arreste tes yeux un moment
Sur ce nouveau Demy-Roman,
Elle t’est icy presentée
Tu peux en joüir aisément

  1. Sébastien Petit, voir p. xiii.
  2. L’insistance bien explicable que mot Claude à affirmer que l’aventure qu’il raconte est « une invention de son esprit » nous parait, au contraire, une preuve de sa réalité et qu’il en est bien le héros ; il ne l’a pas appelée, sans raison, demy-roman : il a même eu le soin de préciser le nom de la belle : Madeleine Boclois.
  3. Le texte imprimé en italique, à partir de « mon esprit », ne figure ni dans la seconde ni dans la troisième édition de l’Heure du Berger.