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AVANT-PROPOS

Quand nous mettons Claude Le Petit en bon rang parmi les libertins du XVIIe siècle, des successeurs de Théophile de Viau, nous ne le calomnions pas ; sa vie et ses œuvres le classent au nombre des plus représentatifs sujets de cette catégorie d’esprits dont on a fait avec quelque exagération, croyons-nous, les ancêtres de nos libres-penseurs.

Claude Le Petit a réalisé le type du libertin, de l'impie et de l'athéiste portraituré par le Père Garassus trente-cinq ans auparavant dans sa Doctrine curieuse (1623) :

« J’appelle Libertins, nos yvrongnets, mouscherons de tavernes, esprits insensibles à la piété, qui n’ont autre Dieu que leur ventre, qui sont enrôlez en cette maudite confrérie, qui s’appelle la Confrérie des Bouteilles... II est vray que ces gens croyent aucunement en Dieu, haïssant les Huguenots et toutes sortes d’hérésies, ont quelques fois des intervalles luisans [Les plus belles pensées de saint Augustin, traduites en vers françois par Cl. Le Petit, 1666) et quelque petite clarté qui leur faict voir le misérable estat de leur âme : craignent et appréhendent la mort, ne sont pas du tout abbrutis dans le vice, s’imaginent qu’il y a un Enfer : mais au reste ils vivent licentieusement, jettant la gourme comme jeunes poulains, jouissant du bénéfice de l’âge, s’imaginant que sur leurs vieux jours Dieu les recevra à miséricorde, et pour cela sont bien nommez qu’on les appelle Libertins ; car c’est comme diroit apprentif de l'Athéisme ... . « J’appelle Impies et Athéistes ceux qui sont plus avancez en malice, qui ont l’impudence de proférer d’horribles blasphèmes contre Dieu ; qui commettent des brutalitez abominables, qui publient par sonnets leurs exécrables forfaicts (Le Bordel des Muses), qui font de Paris une Gomorrhe..., qui ont cet advantage malheureux, qu’ils sont si desnaturez en leur façon de vivre, qu’on n’oseroit les réfuter de poinct en poinct, de peur d’enseigner leurs vices, et faire rougir la blancheur de papier «.