Page:Le Petit - L’Art d’aimer les livres et de les connaître, 1884.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
l’art d’aimer les livres

guérir le mal qui a son siège profondément caché au fond du cœur, et qui a pour cause une douleur morale, une déception ou un chagrin quelconque.

Et je mets en fait que la méthode de traiter un grand chagrin par l’essai de la lecture d’un ou de plusieurs livres intéressants a produit de nombreux et merveilleux effets.

En voulez-vous une preuve, entre mille ? Si intime qu’elle soit, vous me la pardonnerez. Elle me fournit l’occasion de parler d’une de mes plus chères amitiés, je ne laisserai pas échapper cette occasion, au risque d’être accusé par vous de prolixité.

Un de mes amis donc, Gustave B…, que vous connaissez, une nature loyale et dévouée, un homme doué d’un doux et joyeux caractère, avait perdu il y a quelques années son père, pour lequel il avait une véritable adoration. La mort avait été subite et la nouvelle était venue foudroyer ce pauvre fils au milieu d’une intime réunion joyeuse comme lui. A partir de ce moment douloureux, mon pauvre ami était tombé dans une tristesse mortelle. Une prostration presque complète pendant le jour était suivie de longues nuits d’insomnie, pendant lesquelles il souffrait d’affreuses tortures morales et physiques. Ceux qui lui étaient dévoués avaient bien fait leur possible pour apporter des consolations à cette pauvre âme brisée. Amis et amies