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Demande de Mme Hardouin pour Louise Michel

Il y avait longtemps qu’on n’avait entendu parler de la mère Michel — non pas celle qui a perdu son chat — mais celle que Louis Veuillot appelait l’Amère Michel.

Cette pétroleuse fait sa petite bouche devant l’amnistie. Ses geignements nous sont téléphonés, à 6 mille lieues de distance, par la Marseillaise, M. Olivier Pain faisant l’office de récepteur.

Or, savez-vous de quoi s’indigne l’amère Michel ?

Voilà. Une dame Céleste Hardouin a pris en main la cause de l’ex-institutrice de Montmartre et s’est mis en tête de faire amnistier cette Théroigne des ambulancières. L’amère Michel a vent de la chose, et des profondeurs de l’île des Pins elle pousse des hurlements et répand des larmes à faire de la presqu’île Ducos une île.

Voici ce qu’elle écrit à la Marseillaise :

Nouméa, 25 juillet 1879.

Monsieur le directeur de la Marseillaise,

J’attends de votre justice l’insertion des lettres ci-jointes (dont vous voudrez bien m’envoyer un exemplaire), puisque je suis considérée, ici, comme complice de ce qui a été fait en mon nom, malgré ma défense formelle et réitérée.

Je vous en serai infiniment reconnaissante.

L. MICHEL.


À Madame Céleste Hardouin, instigatrice de lettres et suppliques en mon nom, malgré ma défense formelle et réitérée.

Madame,

La petite satisfaction que vous avez donnée à votre volonté personnelle m’a coûté bien des larmes, et les larmes sont amères à ceux qui ne pleurent que sous le poids de la honte.

Sans le souvenir de ma mère je me débarrasserais de cette honte d’une manière qui empêcherait de faire à d’autres la même insulte.

Les ennemis m’avaient respectée et vous venez ajouter l’affront, nul parmi les administrateurs n’eût osé m’annoncer ce qui se faisait à votre instigation. (Vous saurez plus tard comment je l’ai appris.) Je me demande ce que vous faites en fraude de l’honneur puisque vous vous permettez d’agir au nom de ceux dont la volonté à six mille lieues devrait être aussi sacrée que celle des morts.

Vous avez de plus aggravé ma position, puisqu’après cinq ans de séjour dans la colonie il m’était permis d’habiter Nouméa, tandis que votre commutation me relèguerait à l’île des Pins.

Cette dernière considération n’est rien en présence des hontes que vous me faites subir.

LOUISE MICHEL.