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C’est un soir de durée au cœur des amoureux !
Car l’immortalité, l’âme de ceux qu’on aime,
C’est l’essence du bien, du beau, du vrai, Dieu même,
Et ceux-là seuls sont morts qui n’ont rien laissé d’eux.

Ô victimes, plus d’un peut-être vous jalouse,
Qui, de peur de languir et que l’oubli ne couse
Sur son œuvre tardive un suaire étouffant,
Laisserait bien trancher sa destinée obscure
D’un pareil coup de faux, dont l’éclair transfigure
L’ombre d’un front sans gloire en nimbe triomphant !

Aux antiques rameaux, toujours verts, du Lycée,
Les générations, espoir de la pensée,
Rediront que pour elle on vous a vus périr :
Tous les cœurs de vingt ans, qui dédaignent la vie
Et dont la soif d’honneur n’est jamais assouvie,
Verront, en songe, au ciel votre tombeau fleurir.

Les antiques héros admireraient notre âge
Pour le nouvel emploi qu’on y fait du courage,
Et nous leur citerions le vôtre avec orgueil.
Mais l’orgueil, consterné, devant la mort s’efface ;
Pardonnez au premier que votre belle audace
Et l’amour de l’azur arrachèrent au deuil.