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Je succombe. — Plus haut ! — Pitié ! — Plus haut, te dis-je.
Et le sable épanché provoque un nouveau bond.

— Grâce, mon sang déborde et je n’ai plus d’haleine.
— Plus haut ! — Arrêtons-nous ; maître, je vis à peine…
— Monte. — Oh ! cruel, encor ? — Monte ! esclave. — Encore ? — Oui.
Mais épuisée enfin la chair plie et s’affaisse,
Et comme un feu sacré dont se meurt la prêtresse,
L’esprit abandonné s’abat évanoui…




IV


L’esquif, indifférent au fardeau qu’il balance,
Poursuit alors son vol dans un entier silence,
Désemparé du cœur et du génie humains,
Tandis qu’en bas s’agite une oublieuse foule,
Dont la moitié s’enivre, et l’autre moitié roule
Le rocher de Sisyphe où s’écorchent ses mains.

Ô fortune de l’homme ! ou jouir sans noblesse,
Ou, noble, ne tenter qu’un essor qui le blesse !
Ou rire sans grandeur ou grandir et pleurer !
S’il embrasse la terre il abêtit sa joie,
S’il la chasse du pied, l’abîme l’y renvoie,
Il n’en peut pas sortir et n’y peut demeurer !

Car ni les fleurs d’un jour, ni les fruits qui se tachent,
Ni les amours qu’on pleure ou qu’on trahit n’attachent