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LE MATIN


Fraîches, d’un rose vif et pâle tour à tour,
Les heures du matin sont l’enfance du jour.
Du ciel elles ont vu la ville, leur amie,
Et donnent un baiser à la belle endormie.
Faites de transparence et de virginité,
Nul souffle impur ne touche à leur frêle beauté.
Ces heures ont encor des souvenirs d’étoiles ;
De la pensée obscure elles lèvent les voiles,
Et, sereines, touchant le front comme un flambeau,
Elles en font jaillir l’étincelle du beau.

O blanches visions des formes reparues !
Si, l’esprit délié, l’on marche par les rues,
Ce ne sont point les sots que l’on rencontre encor,
La femme, oiseau d’amour, allant d’un vague essor,
Ni le loisir qui flâne ou le vice qui rôde.
— La bonne odeur du pain, inattendue et chaude,
Vous invite du seuil ouvert des boulangers ;
Les laitières ont fait leurs mélanges légers,
Et le lait baptisé des petites vachères
Bleuit encore un peu sous les portes cochères.
On rencontre déjà les voitures de fleurs :