Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/240

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Moines qui, n’ayant plus ni d’oreilles, ni d’yeux,
S’endorment, engraissés de paresse, oublieux
Que les heures du siècle infaillible sont proches
Et que les porcs trop gras ne sont pas loin des broches ;
Hérétiques enfin, par le Diable excités,
Emplissant plaine et monts, les champs et les cités,
Dévorant la moisson comme des sauterelles,
Furieux et cherchant d’insolentes querelles
Aux mystères sacrés accomplis au saint lieu,
A mes Élus, à mes Anges et même à Dieu !
Dis-lui que la caverne, autrefois bien scellée,
Comme une éruption vomit sa tourbe ailée
A travers les débris du couvercle infernal ;
Qu’abandonnée aux flots, en proie aux vents du mal,
La Croix, phare céleste où rayonnait ma gloire,
Espérance enflammée au sein de la nuit noire,
Tremble et s’éteint avec mes soupirs haletants !
Mon fils, mon fils, debout ! Voici les derniers temps !
Va ! Que le Serviteur des serviteurs se lève,
Qu’il brûle avec le feu, qu’il tranche avec le glaive,
Qu’il extermine avec la foudre et l’interdit,
Et que tout soit remis dans l’ordre. Va ! J’ai dit. » —
Tel parla le Seigneur Jésus, triste et sévère.
L’ombre soudainement engloutit le Calvaire ;
Tout le ciel éteignit sa sinistre lueur ;
Un long frisson courut dans ma chair en sueur,
Et je restai muet. Sainte épouvante ! ô joie
Terrible de l’Élu que la grâce foudroie !
O nuit noire où flamboie un immense soleil !