Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hélas ! voici bientôt que l’ultime des heures
Sonnera le dernier des glas sur nos demeures ;
Nulle rémission, ni délai, ni merci ;
Le vent se lève et va nous balayer d’ici
Comme la paille sèche aux quatre coins de l’aire,
Enfant à la mamelle et vieillard séculaire,
Serfs et maîtres, palais, chaumes, peuples et rois.
Le mur de Balthazar allume ses parois !
Tout désir est menteur, toute joie éphémère,
Toute liqueur au fond de la coupe est amère,
Toute science ment, tout espoir est déçu.
La sainte Église a dit ce qui doit être su.
Qui doute d’elle est mort déjà durant la vie ;
Qui pousse par delà son rêve et son envie,
Qui veut mordre le fruit d’où sort la vieille faim,
Sans jamais l’assouvir meurt pour le temps sans fin.
Donc, le fait est sûr : croire, obéir et se taire,
Ramper en gémissant la face contre terre
Et s’en remettre à Dieu qui nous tient dans sa main,
C’est la sagesse unique et le meilleur chemin.
Oui ! pour l’âme en sa foi tout entière abîmée,
Puisqu’aussi bien le monde est misère et fumée,
Sans Dieu, que reste-t-il ? Leurre et rébellion
Venant du Tentateur affamé, ce lion
Qui rôde et qui rugit, qui s’embusque et regarde,
Cherchant à dévorer les brebis hors de garde,
Vagabondes, la nuit, sans souci du danger,
Loin de l’enclos solide et des chiens du berger,
Et, brusque, bondissant du fond des ombres noires,