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Telle il vivait sa vie heureuse,
Oublieux des jours inconstants ;
Et son âme mélodieuse
Versait l’ivresse radieuse
Qui déborde en elle au printemps.

Printemps et bonheur, rien ne dure.
O loi fatale ! après l’été
L’hiver à la bise âpre et dure ; —
Une cage au lieu de verdure !
Des fers au lieu de liberté !

Un fils de mon île bénie,
Poëte errant, esprit pensif,
Voyant la muette agonie
De ce grand maître en harmonie,
Eut pitié du chanteur captif.

Il l’emmena sur nos rivages,
Dans l’île aux monts bleus, au beau ciel,
Rêvant pour lui, sur d’autres plages,
De libres chants sous des feuillages
Que baigne un soleil éternel.

Peut-être voulait-il encore
Doter nos monts, doter nos bois,
Nos soirs de lune et notre aurore,
De ce barde au gosier sonore
Et des merveilles de sa voix.