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Car j’eusse recueilli, dans un amer baiser,
Les perles de cristal lentement égrenées,
Avec l’espoir mystique et fervent d’apaiser
L’ardeur que ne pourront assouvir les années.

Mais ton regard si pur ne s’est jamais voilé ;
Il rayonnait avec la splendeur souveraine
Et le calme fatal de l’azur étoilé,
Et rien n’en a troublé la cruauté sereine.

Or, voici qu’aujourd’hui tes yeux cerclés de noir
Trahissent sans pitié les pleurs de l’insomnie ;
Et voici que ton front se penche, sans espoir,
Comme pour attester ce que ta fierté nie ;

Voici qu’une implacable et muette langueur
Te mine sourdement et voici que les fièvres
Ont effacé les plis du sourire moqueur,
Du sourire orgueilleux qui trônait sur tes lèvres.

Ton rêve s’est cassé les ailes, lourdement,
Et tu pleures ton rêve, ô chère inoubliée !…
Te souvenant peut-être alors de cet amant
Des bras de qui tu t’es follement déliée.

Tu pleures nuits et jours, sans te plaindre, tout bas ;
Et l’époux qui n’a pas deviné tes alarmes,
Lui qui n’a jamais su t’aimer ne viendra pas
Boire en un long baiser l’amertume des larmes.