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DAPHNÉ.

Vois, mère : je cueillais des plantes salutaires.

KALLISTA.

Enfant initiée aux augustes mystères,
Quittons la vanité de ces secours humains,
Et pour ma guérison prenons d’autres chemins,
Ma fille, écoute-moi : tu sais bien que ta mère
N’a pas mis son espoir en la vie éphémère,
Que son sein n’est gonflé que du désir des cieux,
Qu’elle trouve à la mort un goût délicieux.
Mais tu sais qu’il n’est pas encor temps qu’elle meure.
Et qui donc après moi garderait la demeure
Des discours des gentils, des piéges des démons ?
Qui donc arracherait l’homme que nous aimons,
Ton vieux père, à l’abîme invisible que creuse,
Sous ses pas égarés, son ignorance affreuse ?
Et toi-même, qui donc, en tes jours de langueur,
Du vin spirituel viendrait nourrir ton cœur
Affaibli par le lait de la tendresse humaine ?
Mes esclaves nombreux et soumis que je mène
Dans tes chemins, Seigneur, avec sévérité,
Qui remettrait leurs pas dans le sillon quitté ?
Quelle voix, en ce bourg plein d’idoles d’argile,
Aux fils des vignerons, dirait ton évangile ?
Et quelle main assez ferme dispenserait
L’aumône aux pauvres gens, selon ton intérêt ?
Ta volonté, mon Dieu, soit faite, et non la mienne !
Mais avant de m’ôter d’ici, qu’il te souvienne