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Mais Danton est jaloux du cimetière ! Ainsi
Qu’un rival dans sa haine forte,
Il voudrait un moment vaincre et mettre à merci
Ce triste gardien de la morte.

Attendre ! Il ne peut plus attendre… Le voilà
A bas de ce lit où se roule
Son désespoir, courant sans craindre le holà,
A travers les flots de la foule.

Oui ! courant comme un fou, comme un fou se parlant
Avec des phrases saccadées,
L’oreille close au bruit des masses ondulant
Comme à la rumeur des idées ;

Laissant sa place vide à la Convention,
Oublieux des luttes mourantes,
Insoucieux de Cloots, d’Hébert, de Pétion
Et mort pour les choses vivantes ;

Mais vivant pour la morte et fébrile et nerveux,
Lorsque de son geste sincère,
Près de la tombe aimée, il s’écria. « Je veux,
O fossoyeurs, qu’on la déterre !

Elle ! je veux la voir telle qu’un jour de deuil
L’enferma dans la bière infâme,
Car c’est mon bien à moi que cache ce cercueil,
Car ce cadavre c’est ma femme ! »