Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les Andes étageaient leurs gradins de basalte,
De porphyre, de grès, de schiste & de granit
Jusqu’à la haute assise où le roc qui finit
Sous le linceul neigeux n’apparaît que par place.
Plus haut, l’âpre forêt des aiguilles de glace
Fait vibrer le ciel bleu par son scintillement ;
On dirait d’un terrible & clair fourmillement
De guerriers cuirassés d’argent, vêtus d’hermine,
Qui campent aux confins du monde, & que domine,
De loin en loin, colosse incandescent & noir,
Un volcan qui, dressé dans la splendeur du soir,
Arbore, Pendragon de l’hivernal cortége,
Sa étendard de feu sur tous ces fronts de neige.

Mais tous fixaient leurs yeux sur les premiers gradins
Où, près des cours d’eau chaude, au milieu des jardins,
Ils avaient vu, dans l’or du couchant éclatantes,
Blanchir à l’infini, les innombrables tentes
De l’Inca, dont le vent enflait les pavillons ;
Et de la solfatare, en de tels tourbillons,
Montaient confusément d’épaisses fumerolles,
Que, dans cette vapeur, couverts de banderoles,
La plaine, les coteaux & le premier versant
De la montagne avaient un aspect très-puissant.

Et tous les Conquérants, dans un morne silence,
Sur le col des chevaux laissant pendre la lance,
Ayant considéré mélancoliquement
Et le peu qu’ils étaient & ce grand armement,