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Hidalgos & routiers, s’étaient tous rassemblés
Dans Panama, du coup demeurèrent troublés.
Or les seigneurs, voyant qu’ils ne pouvaient plus guère
Employer leur personne en actions de guerre,
Partaient pour Mexico ; mais ceux qui, n’ayant rien,
Étaient venus tenter aux plages de Darien.
Désireux de tromper la misère importune,
Ce que vaut un grand cœur à vaincre la fortune,
S’entretenant à jeun des rêves les plus beaux,
Restaient, l’épée oisive & la cape en lambeaux,
Quoique tous bons marins ou vieux batteurs d’estrade,
À regarder le flot moutonner dans la rade,
En attendant qu’un chef hardi les commandât.

Deux ans s’étaient passés, lorsqu’un obscur soldat
Qui fut depuis titré marquis pour sa Conquête,
François Pizarre, osa présenter la requête
D’armer un galion pour courir par delà
Puerto-Pinas. Alors Pedrarias d’Avila
Lui fit représenter qu’en cette conjoncture
Il n’était pas prudent de tenter l’aventure
Et ses dangers sans nombre & sans profit ; d’ailleurs,
Qu’il ne lui plaisait point de voir que les meilleurs
De tous ses gens de guerre, en entreprises folles,
Prodiguassent le sang des veines espagnoles,
Et que nul avant lui, de tant de Cavaliers,
N’avait pu triompher des bois de mangliers
Qui croisent sur ces bords leurs nœuds inextricables ;
Que, la tempête ayant rompu vergues & câbles