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— Moi, des chênes géants, séculaires colosses,
D’aise, je fais vibrer les cimes aux doux sons
Que la brise, en passant, emprunte à mes chansons.
Je suis à qui gémit sous la lumière blonde,
Mon cœur est assez grand pour contenir le monde
Et mon âme est sans fond comme la vaste mer.

— Moi, j’ai l’âme de bronze & j’ai le cœur de fer.
Et je suis rude à l’homme & je n’aime personne
Ni rien, que mon carquois à mon flanc qui résonne.

— Moi, je suis pour chacun le grand consolateur,
Et quand je mets la main sur le front du malheur,
Il y sent la fraîcheur de la rosée en larmes.

— Moi, je n’ai que ma trompe & je n’ai que mes armes.
Que mon épieu qui troue & ma lame qui mord ;
Lorsque j’ouvre la main, il en tombe la mort.

— Moi, sans cesse ici-bas à l’homme je me fie.
Et sans cesse ici-bas l’homme me crucifie ;
Mais je suis la clémence & je suis le pardon.

— Moi, je suis la colère & je suis le brandon.
Ainsi que le rayon qui ne va pas dans l’antre.
En mon cœur endurci la pitié jamais n’entre.

— Moi, je suis le semeur de ce qui doit mûrir
Et je pais mes brebis aux champs de l’avenir.