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Tranquille, irrésistible. Ah ! maudite, maudite,
Puisque tu changes l’homme en bête, au moins endors
Dans nos cœurs pleins de toi la honte & le remords.




ICARE


J’ai souvent répété les paroles des sages,
Que tout bonheur humain se paye & qu’il vaut mieux,
Libre & fort, dans la paix immobile des Dieux,
Voir la vie à ses pieds, du bord calme des plages.

Mais maintenant l’abîme a fasciné mes yeux ;
Je voudrais, comme Icare, au-dessus des nuages,
Vers la zone de flamme où germent les orages
M’élancer & mourir quand j’aurai vu les cieux.

Je sais, je sais déjà tout ce que vous me dites,
Mais la vision sainte est là ; je veux saisir
Mon rêve, &, sous le ciel embrasé du désir.

Braver la soif ardente & les fièvres maudites.
Et les remords sans fin, pour ce bonheur d’un jour,
Le divin, l’infini, l’insatiable amour.