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Et si cette île de l’espace
N’est pas un refuge charmant ?
Qui sait, là, si notre existence
Plus robuste ne recommence
Sur un meilleur terrain ses pas ?
Qui sait surtout, ô ma pauvre âme,
Si, transfuge d’un corps sans flamme,
Ton vol ne s’y tournera pas ?

Là, peut-être que l’on ne trouve
Qu’un ciel toujours plein de splendeur,
Un climat fixe où l’on n’éprouve
Ni trop de froid ni trop d’ardeur ;
Là, peut-être que la nature
Récompense toute culture
Par une ample fertilité
Qui ne demande point à l’homme
Des labeurs de bête de somme
Et des nuits d’âpre anxiété.

Là, peut-être bien que l’on s’aime
D’un unique & sincère amour
Qui résiste à l’âge lui-même
Et ne s’éteint qu’avec le jour.
Là, peut-être que la faiblesse,
Moins victime de la rudesse,
Se voit plus souvent secourir ;
Peut-être enfin qu’en la mêlée
Des vivants & dans leur foulée
On se fait beaucoup moins souffrir…