Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SOMNOLENCE


Des vases blancs & bleus sur leurs tiges dorées,
Droits, & fiers de la pourpre exotique des fleurs ;
Une lampe d’albâtre avivant ses pâleurs,
Clair de lune neigeux & calme des soirées ;

Des panneaux, où la main féminine agrafa
Sur le satin, lamé d’or & d’argent, des armes ;
Un sachet, exhalant la fleur des anciens charmes
Dans l’ondulation soyeuse du sopha ;

Un miroir de Venise ; & sur la table frêle,
Bois d’ébène incrusté de nacre qui reluit
Aux rougeurs des tisons expirant dans la nuit,
Une théière, un livre ouvert, une aquarelle ;

Peint de chaudes couleurs, un vitrail pressenti
Derrière les plis blancs d’un long rideau qui traîne ;
Ton sourire partout, solitude sereine !
C’est là ce que je veux connaître, anéanti.

Je goûterai, plongeur revenu des vertiges,
A flots d’or l’onction chaleureuse des soirs,
Évoquant dans les lourds parfums des encensoirs
Mon Rêve sans couleur, sans forme & sans prestiges.