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Ces mendiants traînent la queue
Avec un orgueil d’Immortels.

Ils mangent ! Des palais splendides
Sont là pour abriter leurs nids.
Que leur importe s’ils sont vides,
Et si les maîtres sont bannis !

Ils mangent ! Nul joug ne leur pèse :
Dans les becs de l’aigle sanglant
Un pigeon sensé couve à l’aise
Comme aux pieds du lion volant.

Des gens du Nord, des gens d’Afrique
Font cercle autour du vil repas ;
Une lady mélancolique
Soupire, & les suit pas à pas.

Les maigres catins qu’on transplante
Pour réchauffer leurs cœurs flétris
Tombent en pose roucoulante
En les voyant si bien nourris.

Seul, le gondolier, mâle & rude,
Croise à l’écart ses larges bras ;
Le ciel lourd de la servitude
L’écrase ; il les maudit tout bas :

« Ouvrez donc, ouvrez donc ces ailes
Qui se gonflent dans l’air léger,