Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




THÉOPHILE GAUTIER

———


MARINE

(Fragment d’un poème inédit.)


C’est le soir, le couchant allumant ses fournaises
Semble un fondeur penché qui ravive des braises ;
Comme un bouclier d’or à la forge rougi,
Par un brouillard sanglant le soleil élargi
Plonge dans un amas de nuages étranges
Qui font traîner sur l’eau la pourpre de leurs franges.
Le rivage est désert ; — pour tout bruit l’on entend
La respiration du gouffre haletant.

Le vent souffle ; la mer, contre l’écueil qui fume,
Pousse le blanc troupeau de ses coursiers d’écume.
Ils montent à l’assaut, pêle-mêle nageant,
Se dressant, secouant leur crinière d’argent,
Éparpillant en l’air leur queue échevelée,
Se mordant au poitrail, comme dans la mêlée,