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LECONTE DE LISLE


J’effondrerai des cieux la voûte dérisoire.
Par de la l’épaisseur de ce sépulcre bas
Sur qui gronde le bruit sinistre de ton pas,
Je ferai bouillonner les mondes dans leur gloire,
Et qui t’y cherchera ne t’y trouvera pas.

Et ce sera mon jour ! Et, d’étoile en étoile,
Le bienheureux Éden longuement regretté
Verra renaître Abel sur mon cœur abrité ;
Et toi, mort & cousu sous la funèbre toile,
Tu t’anéantiras dans ta stérilité. —

Le Vengeur dit cela. Puis, l’immensité sombre
Bond par bond, prolongea, des plaines aux parois
Des montagnes, l’écho violent de la Voix
Qui s’enfonça longtemps dans l’abîme de l’ombre.
Puis, un Vent très-amer courut par les cieux froids.

Thogorma ne vit plus ni les bêtes hurlantes,
Ni le grand Cavalier, ni ceux d’Hénokhia.
Tout se tut. Le silence élargi déploya
Ses deux ailes de plomb sur les choses tremblantes.
Puis, brusquement, le ciel convulsif flamboya.

Et le sceau fut rompu des hautes cataractes.
Le poids supérieur fendit & crevassa
Le couvercle du monde. Un long frisson passa
Dans toute chair vivante ; &, par nappes compactes,
Et par torrents, la Pluie horrible commença.