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VI


N’êtes-vous pas jaloux en voyant attablés
Dans un gai cabaret entre deux champs de blé,
Les soirs d’été, des gens du peuple sous la treille ?
Moi, devant ces amants se parlant à l’oreille
Et que ne gêne pas le père, tout entier
À l’offre d’un lapin que fait le gargotier,
Devant tous ces dîneurs, gais de la nappe mise,
Ces joueurs de bouchon en manche de chemise,
Cœurs satisfaits pour qui les dimanches sont courts,
J’ai regret de porter du drap noir tous les jours.


VII


Vous en rirez. Mais j’ai toujours trouvé touchants
Ces couples de pioupious qui s’en vont par les champs,
Côte à côte, épluchant l’écorce de baguettes
Qu’ils prirent aux bosquets des prochaines guinguettes.
Je vois le sous-préfet présidant le bureau,
Le paysan qui tire un mauvais numéro,
Les rubans au chapeau, le sac sur les épaules,
Et les adieux naïfs, le soir, auprès des saules,
À celle qui promet de ne pas oublier
En s’essuyant les yeux avec son tablier.