Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Navire & passagers sont un point dans la brume.
La vaste mer pourtant contient moins d’amertume
Que les larmes tombant de ces cœurs inconnus.
Courage, cœurs plaintifs ! vous qui pleurez, courage !
Sur ce vaisseau maudit, par ce souffle d’orage,
Vos jours d’honneur sont revenus.

Votre front s’est courbe ; mais votre âme est plus haute
De tout ce qu’elle a mis de sanglots sur sa faute.
Vous regrettez le temps où vous étiez l’oiseau,
Sans soupçonner le mal, gazouillant l’espérance :
Certes c’était plus doux, la candide ignorance.
Savoir & vaincre, c’est plus beau.

Dans la tranquillité de vos ailes sans tache,
Vous restiez sur la branche où la fleur se détache,
Sans avoir d’autre but que d’y puiser du miel.
Maintenant, dans l’horreur d’avoir touché la fange,
Vous ne trouvez jamais, pour fuir l’impur mélange,
Assez de profondeur au ciel.

Et tandis qu’au milieu des lumières de fête,
Plus d’une femme, ornant de diamants sa tête,
Commandant des respects l’universel accueil,
Ayant toujours passé du bien-être à la joie,
Dans les cœurs à ses pieds ne verra qu’une proie
Pour son impur & fol orgueil ;