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Et qu’il faille, aux plis du linceul,
Écouter se traîner dans l’ombre
Le pied lourd des siècles sans nombre,
Seul dans la tombe, toujours seul !

Oh ! puissé-je, avant que je meure,
De l’ange que suivent mes pas,
De celle qui ne m’aime pas
Être aimé, ne fût-ce qu’une heure !

Puissent ses yeux d’un froid mordant,
Doux même à ceux qu’elle rebute,
Oublier, rien qu’une minute,
Leur mépris en me regardant !

Que je puisse, quittant ce monde,
À sa bouche fière puiser
L’éblouissement du baiser
Durant l’éclair d’une seconde ;

Et que j’emporte — ô cécité
Des yeux clos que la terre presse ! —
Le souvenir d’une caresse
Pour occuper l’éternité.