LÉON VALADE
———
LA GOUTTE DE SANG
Quand celle dont la grâce en mon âme est empreinte
M’a dit, un peu craintive & riant de sa crainte,
Qu’elle s’était piquée au doigt : « Tenez, voyez ! »
Lorsque j’ai vu, parmi ses autres doigts ployés,
À l’annulaire qui dans ma main tremble & bouge,
Une goutte de sang perler brillante & rouge,
Avant que mon esprit troublé ne raisonnât,
Mes yeux avidement en ont bu l’incarnat ;
Et j’ai senti venir une soif à ma lèvre
Telle, que j’ai pressé la piqûre avec fièvre
Dans l’aspiration brusque d’un long baiser :
Tandis que, rougissante à demi sans oser
Se fâcher, son visage où le sourire joue
Essayait d’exprimer l’horreur dans une moue,
Et que sa voix, si peu tragique, m’appelait
« Buveur de sang ! »
Ainsi moi, le buveur de lait,
Moi que l’Idylle au miel de ses ruches convie,