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Et cependant, autour de la triste exilée,
De l’humble mendiante aux pieds nus, plus nombreux
Que les beaux chevaliers épris de la mêlée,
Se presse avidement tout un peuple amoureux.


II


Jamais dans ses festins Cléopâtre adorée
Ne jeta dans les sens de désirs plus fougueux
Que cette vagabonde aux reines préférée,
Plus triste que les serfs, plus pauvre que les gueux..

Combien de cavaliers qui guettent sa venue,
Rêveurs enfants du Nord, ardents fils du Midi,
Jeunes gens éblouis d’une flamme inconnue,
Grands vieillards dont le sang ne s’est point refroidi !

Rien ne peut arrêter ces preux enthousiastes,
Enivrés de leur vol ainsi que le faucon,
Ni les amis craintifs songeant aux jours néfastes,
Ni leur maîtresse en pleurs qui se penche au balcon.

La vie à leurs désirs s’abandonnait facile ;
Des appels de baisers les poursuivaient dans l’air :
Ils pouvaient s’assoupir aux grottes de Sicile,
Bercés par le murmure onduleux de la mer.