Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/139

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« Je n’ai bu que la soif aux lèvres des amants :
Ils sont faits de limon tous les fils de la mère ;
La fleur de leurs baisers laisse une cendre amère,
L’étreinte de leurs bras est un choc d’ossements.

« Nous cherchant, nous pressant pour ne former qu’un être,
Nous voulions, comme font deux corps dans un tombeau,
Unir nos deux néants en un néant plus beau,
Et nous tombions vaincus sans plus nous reconnaître.

« Oh ! sans doute qu’alors, fauve, les yeux ardents,
L’ange au glaive de feu traversait notre couche,
Et venait invisible arracher à ma bouche
Cette âme de l’aimé qui brille entre ses dents ;

« Car nous tombions tous deux étrangers, côte à côte,
Comme le premier couple après l’Éden perdu.
Alors, à cause d’Ève & du fruit défendu,
J’avais honte & j’étais seule devant ma faute.

« Et je criais, voyant mon espoir achevé :
« Pleureuses, allumez l’encens devant ma porte,
« Apprêtez un drap d’or : la Magdeleine est morte,
« Car étant la chercheuse elle n’a pas trouvé ! »

« Et j’ouvrais de nouveau mes bras comme des palmes ;
J’étendais mes bras nus tout parfumés d’amour,
Pour qu’une âme vivante y vînt dormir un jour,
Et je rêvais encor les vastes amours calmes !