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YAMÎ.

Quand nous dormions encor au ventre originel.
L’aïeul parla. « Vêtus d’une splendeur égale.
Soyez époux, dit-il. Que la sœur conjugale
Sans fin demeure unie au mari fraternel ! »

YAMA.

Qui l’a su ? qui l’affirme ? Aucun ne peut connaître
Son premier jour. Le ciel démesuré n’est pas
Un champ d’orge qu’on peut traverser en trois pas,
Et nul ne sait où gît la source de son être.

YAMÎ.

Cesse un discours amer. Ma main cherche ta main.
Ranime d’un baiser la pâleur de mes joues,
Et roulons doucement comme un char à deux roues
Qui se livre à la pente heureuse du chemin.

YAMA.

Je ne baiserai point le jasmin de tes joues
Ni ta bouche pareille à la fleur des âmras ;
Sous la tête d’un autre époux glisse ton bras,
Et roulez doucement comme un char à deux roues.

YAMÎ.

Que deviendra l’amie, hélas ! loin de l’ami,
Et qu’est-ce qu’une sœur de son frère sevrée ?
L’âme veuve succombe, à Nirriti livrée ;
Sans l’amour d’Yama, c’en est fait d’Yami !