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— Roi des Runes ! jamais, dit la mer infinie,
Mon sein froid n’a connu la splendeur de l’été.
J’exhale avec horreur ma plainte d’agonie,
Mais, joyeuse, au soleil, je n’ai jamais chanté.

— Roi des Runes ! dit l’ours, hérissant ses poils rudes,
Lui que ronge la faim, le sinistre chasseur ;
Que ne suis-je l’agneau des tièdes solitudes
Qui paît l’herbe embaumée et vit plein de douceur !

Et le Skalde immortel prit sa harpe sonore :
Le chant sacré brisa les neuf sceaux de l’hiver ;
L’arbre frémit, baigné de rosée et d’aurore ;
Des rires éclatants coururent sur la mer.

Et le grand Ours charmé se dressa sur ses pattes :
L’amour ravit le cœur du monstre aux yeux sanglants,
Et, par un double flot de larmes écarlates,
Ruissela de tendresse à travers ses poils blancs.




LE CŒUR DE HIALMAR


Une nuit claire, un vent glacé. La neige est rouge.
Mille braves sont là qui dorment sans tombeau,
L’épée au poing, les yeux hagards. Pas un ne bouge.
Au-dessus tourne et crie un vol de noirs corbeaux.