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Les anges de la nuit traînent leurs lourds suaires ;
Ils ne suspendront pas leurs lampes au plafond ;
Mon âme, songe à ceux qui sans pleurer s’en vont !

Songe aux échos muets des anciens sanctuaires !
Sépulcre aussi, rempli de cendres jusqu’aux bords,
Mon âme, songe à l’ombre, au sommeil, songe aux morts !


LÉON DIERX




LES DANAIDES


Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche,
Théano, Callidie, Amymone, Agavé,
Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
Courent du puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.

Hélas ! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche,
Et le bras faible est las du fardeau soulevé :
« Monstre, que nous avons nuit et jour abreuvé,
» O gouffre, que nous veut ta soif que rien n’étanche ? »

Elles tombent, le vide épouvante leurs cœurs.
Mais la plus jeune alors, moins triste que ses sœurs,
Chante et leur rend la force et la persévérance.

Tels sont l’œuvre et le sort de nos illusions :
Elles tombent toujours, et la jeune espérance
Leur dit toujours : « Mes sœurs, si nous recommencions ! »


SULLY-PRUDHOMME