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Frémirons-nous toujours sous ce vol irrité ?
N’arracherons-nous point ce dard qui nous torture ?
Ni dans ce monde, ni dans notre éternité.

La vieille Illusion fait de nous sa pâture ;
Nul captif n’atteindra le seuil de sa prison,
Et la guêpe est au sein de l’immense nature.

Oui ! le dogme terrible, ô mon cœur, a raison.




LES LARMES DE L’OURS


Le roi des Runes vint des collines sauvages.
Tandis qu’il écoutait gronder la sombre mer,
L’ours rugir, et pleurer le bouleau des rivages,
Ses cheveux flamboyaient dans le brouillard amer.

Le Skalde immortel dit : — Quelle fureur t’assiége,
Ô sombre mer ? Bouleau pensif du cap brumeux,
Pourquoi pleurer ? vieil Ours vêtu de poil de neige,
De l’aube au soir pourquoi te lamenter comme eux ?

— Roi des Runes ! lui dit l’arbre au feuillage blême
Qu’un âpre souffle emplit d’un long frissonnement,
Jamais, sous le regard du bienheureux qui l’aime,
Je n’ai vu rayonner la vierge au col charmant.