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Aussi bientôt, courbés sous son sacré portique,
Ils offraient le parfum de l’encens, la douceur
Du miel, et la blancheur de la laine rustique,
O favorable Hèra, de Zeus épouse et sœur !
Tu juras par les eaux du Styx inviolable
D’écouter la prière et d’exaucer les vœux
De la Mère, et plissant sa lèvre secourable,
Ton sourire odorant disait à Zeus : « Je veux ! » —
Et lentement montait vers les hauteurs sereines,
Du fond du temple obscur le souhait maternel :
« Donne à mes fils, ô Zeus, aux bontés souveraines,
Le plus grand bien que puisse espérer un mortel ! »
Et les deux fils dormaient. — Quand l’aube blanchissante
Eut dissipé la nuit, sur leurs fronts radieux,
La Mort avait posé sa lèvre obéissante :
Cléobis et Biton étaient aimés des dieux.




LÉTHÉ


Aux Champs Élyséens, Léthé dort immobile.
Pas un souffle dans l’air, dans l’arbre pas un nid ;
Inerte et noir s’étend le fleuve délébile.
Comme au seuil asclépien un serpent de granit,
Aux Champs Élyséens, Léthé dort immobile.

Sous les cyprès obscurs dans l’abîme plongeant
Erre éternellement la Mort inassouvie ;
Ni les abeilles d’or, ni les poissons d’argent,
Ne passent, lumineux et beaux comme la Vie,
Sous les cyprès obscurs dans l’abîme plongeant.