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LE RETOUR DE L’ENNEMI




Je ne pensais à rien, pas même à mon remords.
Allongé dans mon lit, je savourais l’absence
Des rêves que le jour contre mon impuissance
Lâche, comme un cheval à qui l’on ôte un mors.

Ils laissaient reposer, enfin ! ma plaie intime,
Car le soleil, au fond des couchants violets,
Avait en s’en allant tiré dans ses filets
Tous ces vampires las de sucer leur victime.

Avec un frôlement onduleux d’encensoir,
L’ombre, l’ombre adorée épaississait ses voiles,
Et contre le regard lancinant des étoiles,
La nuit m’enveloppait comme un bouclier noir.

Effleurant le parquet de leurs robes obscures,
Les ténèbres allaient et venaient, douces sœurs,
Qui, sur les miroirs pleins de luisantes noirceurs,
Couche à couche, sans bruit, suspendaient leurs tentures.

Et moi, dont la clarté ramène les bourreaux,
Avec l’or triomphant des couleurs ennemies,
Sombre, j’étais heureux du bonheur des momies,
Lorsque je vis monter la lune à mes carreaux.