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Où la gaîté gauloise, âme de la chanson,
Court comme un soleil d’or sur la blonde moisson ;
Où l’on entend sonner tes grelots, ô Folie !
Toi qu’adorait Érasme en sa mélancolie.

Molière ! qui dira les larmes de son cœur,
Quand son esprit jetait un cri grave ou moqueur ;
Quand le rire charmant, familier à Montaigne,
A tous ceux dont l’esprit est gai, dont le cœur saigne,
Passait sur sa figure inquiète, où Mignard
Trouvait la passion, la poésie et l’art ?

Pour lui la Vérité, dans sa verve brûlante,
Sortait du fond du puits encore ruisselante,
Et dans sa coupe d’or ou dans son broc divin,
Miracle de son art, l’eau se changeait en vin !
Dans son puissant amour, quand il l’avait saisie
A plein corps, il disait : Je tiens la poésie !
Muse au masque rieur, vivante Vérité,
De sa belle action couvrant sa nudité.
Saluons, saluons, cette muse hardie,
Montrant sa jambe fière en plein marbre arrondie,
Et son rire gaulois armé de blanches dents,
Et ses beaux yeux taillés dans les prismes ardents.

Comme on voit en avril les vives giroflées
Égayant votre front, ruines désolées,
Molière, c’est le rire éclatant et profond
Qui survivra toujours aux choses qui s’en vont.


ARSÈNE HOUSSAYE.