Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Cueillez, car ces fleurs-là sont les illusions !
Poëtes, suivez-les, vos blanches visions,
Dans le monde idéal, sous les splendeurs divines.

Mais, quand vous n’aurez plus la couronne de fleurs,
Ne vous étonnez pas de répandre des pleurs,
Car vous aurez alors la couronne d’épines
Au front.




ÉPITHAPHE DU POETE


L’heure a sonné : j’ai vu s’enfuir la charmeresse
Qui couronne l’amour et chante les vingt ans,
Qui suspend des rayons à ses cheveux flottants,
Et qui m’a dit adieu pour dernière caresse.

J’ai suivi trop souvent la pâle chasseresse
Sous les pampres brûlés, dans les bois irritants.
Les folles passions ont dévoré mon temps,
Cher temps perdu ! Regrets d’une âme pécheresse

La coupe est épuisée et j’en ai vu le fond :
J’ai répandu mon cœur en larmes comme en fêtes ;
Passions, passions, vos vendanges sont faites !

Voici la mort qui vient. Dans l’abîme profond
Je descends ; mais je crois à nos métamorphoses.
Tu me réveilleras, Aurore aux doigts de roses.