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Je sais que je vaincrais la mer, où je m’endors
Triste, dans le néant des visions funèbres,
Si ton baiser vivant ressuscitait mon corps
Mort d’amour à tes pieds noyés dans les ténèbres.




IX

LA MORT


Rassure-toi : — La Mort est bien le vrai sommeil
Et l’on peut s’endormir sans craindre le réveil
Et l’importunité des songes qui nous leurrent ;
La Mort terrible est douce ; et dit à ceux qui pleurent :
« Venez, vous oublîrez. » — Elle dit aux vaincus
Comme nous : — « Venez tous ; vous ne lutterez plus.
» Venez, dans le lait noir de mes noires mamelles,
» Boire à longs traits l’oubli des défaites nouvelles. »
Elle dit aux heureux : — « Quel bonheur n’est pas vain ?
» Jouissant aujourd’hui vous souffrirez demain :
» Je vais vous délivrer des fortunes futures. »
Elle dit aux hardis essayeurs d’aventures :
— « J’entends venir le pied boiteux du châtiment ;
» Voulez-vous l’éviter ? profitez du moment. »
Elle dit aux souffrants, aux opprimés : — « La Vie
» Trahit le plus souvent tous ceux qu’elle convie ;
» La volage ! — Pour moi, jamais je ne promets,
» Je suis toujours la même et ne trompe jamais,