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Aux innombrables maux que tous les hommes craignent,
Et leurs pieds, déchirés par les épines, saignent.
Zeus, à présent vieillard, a froid et sur ses flancs
Serre un haillon de pourpre, et ses cheveux sont blancs.
Sa barbe est blanche : au fond du lointain qui s’allume,
Ses épouses en deuil le suivent dans la brume.
Hèrè, Lèto, Mètis, Eurynomè, Thémis
Sont là, blanches d’effroi, pâles comme des lys,
Et pleurent. Sur leurs fronts mouillés par la rosée
L’aigle vole au hasard de son aile brisée.
Et celui qui tua la serpente Pytho,
Le brillant Lycien, cache sous son manteau
Son arc d’argent, rompu. Triste en sa frénésie,
Le beau Dionysos pleure la molle Asie,
Et ce hardi troupeau, les femmes au sein nu
Qui le suivaient naguère au pays inconnu,
Folles, aspirant l’air avec ses doux aromes,
Ne sont plus à présent que spectres et fantômes.
Hermès, qui n’ouvre plus ses ailes, en chemin
Songe, et le rameau d’or s’est flétri dans sa main.
Athènè, l’invincible Arès, mangent les mûres
De la haie, et n’ont plus que des lambeaux d’armures ;
Dèmèter, pâle encor de tous les maux soufferts,
Tient sa fille livide, arrachée aux enfers,
Et la blanche Artémis, terrible, échevelée,
Bondit encor, fixant sa prunelle étoilée
Sur la nuit redoutable et morne des forêts,
Cherchant des ennemis à percer de ses traits,
Et sur sa jambe flotte et vole avec délire
Sa tunique d’azur, que l’ouragan déchire.


Cependant, les regards baissés vers le sol noir,
Les Muses lentement chantent le désespoir