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— « Moi, dit Crès, je suis brave à dompter les chevaux,
« Seul je confie un char à des couples nouveaux
» Que le fouet exaspère et qu’une ombre effarouche.
» Nul ne sait d’une main plus légère à la bouche
» Contenir à la fois l’ardeur et l’exciter,
» En côtoyant la borne à propos l’éviter,
» Et faire bien tourner quatre étalons ensemble.
» j’aime un ferme terrain qui résonne et qui tremble,
» Et je n’irai jamais, au prix de trois cents bœufs,
» M’embarrasser les pieds dans ce fumier bourbeux. »
— « Phémios dit : « Je reste et ne suis point un lâche,
» Mais je n’ai pas le cœur à cette indigne tâche.
» Les chiens tumultueux au plus profond des bois,
» Sur la piste allongés hurlant tous à la fois,
» La trompe, l’arc vibrant, le poil où le sang coule,
» Le sanglier lancé comme un rocher qui roule,
» C’est mon plaisir ! Il vaut un périlleux labeur ;
» Souvent l’énorme bête, et je n’ai pas eu peur,
» M’a fait, en s’acculant, sentir ses crocs d’ivoire.
» Qu’un autre à se salir triomphe, j’ai ma gloire. »
— Alors Mégas : « Hercule, apprends-moi qui je crains.
» D’un lutteur colossal je fais crier les reins ;
» Mes bras en le serrant d’une immobile étreinte
» L’étouffent, et sa chair garde ma forte empreinte ;
» Je cours, je lance un disque aussi loin que je veux,
» J’excelle au pugilat, je suis le roi des jeux ;
» Mais depuis quand fait-on d’une étable un gymnase ? »
— « Pétrir la grasse argile, y façonner un vase
» Dont la rondeur soit ample et le profil heureux ;
» Ménager avec art les reliefs et les creux ;
» Alentour enchaîner des nymphes par les danses,
» Et courber savamment la spirale des anses ;
» Je ne sais rien de plus, je ne veux rien de plus ;
» Les exploits me sont vains et les biens superflus,